Résumé de l'article

Valérie Varnerot, Le devoir de compétence du professionnel du droit postmoderne. Retour sur la jurisprudence relative à l’obligation d’anticipation des évolutions prévisibles du droit positif
En dépit de ses linéaments, la jurisprudence met à la charge du professionnel du droit une obligation de compétence impliquant à la fois la connaissance du droit positif existant au jour de son intervention ainsi qu’une anticipation raisonnable de ses états futurs prévisibles. La première fonde la seconde. Dans la mesure où le droit positif actuel contient les prémisses d’une évolution prévisible, le praticien est tenu d’en inférer la solution future. La logique déductive fait ainsi basculer la solution nouvelle probable dans l’ordre des « quasi-certitudes ». En retour, la jurisprudence tend à transformer le raisonnement juridique, de type dialogique, en raisonnement strictement formel pour asseoir son autorité. Cette solution est néanmoins en parfaite cohérence avec l’impératif de sécurité juridique qui tend à gouverner, de plus en plus étroitement, la production de la norme juridique contemporaine. Rationalisation et simplification du droit, ainsi que la technique du « revirement progressif » et du « revirement prospectif », concourent, en effet, à conférer une plus grande prévisibilité aux évolutions du droit. Toutefois, l’obligation de prévision raisonnable des états futurs du droit positif se heurte à l’imprévision raisonnable d’un droit devenu postmoderne. L’entreprise de rationalisation de la production normative ne refoule nullement la complexité inhérente au droit postmoderne, qui chasse toutes « données acquises » du droit pour privilégier la logique dialectique et affirmer l’indétermination relative de la règle de droit.

Mots-clef : source, jurisprudence, postmodernité, logique juridique
tome 55, 2012: p. 309-344